dimanche 2 décembre 2012

Equateur: le dilemme de Yasuni, une réserve débordant de vie et de pétrole

Photographe : Pablo Cozzaglio :: Un singe sur une branche dans le parc de Yasuni en Equateur, le 11 novembre 2012
Ce petit paradis de 982.000 hectares, qui recense l'une des plus grandes concentrations d'espèces au monde, abrite aussi l'équivalent de 846 millions de barils de brut, pas moins d'un cinquième des réserves de l'Equateur.
Au nom de la protection de l'environnement, le président socialiste Rafael Correa défend le projet Yasuni ITT (du nom des gisements d'Ishpingo, Tiputini et Tambococha): renoncer à l'exploitation en échange d'une indemnisation internationale de 3,6 milliards de dollars, une somme qui représenterait la moitié du manque à gagner.
Mais les fonds récoltés depuis 2011 via le Pnud (Programme des Nations unies pour le développement) n'ont atteint que 200 millions de dollars et, en attendant, l'industrie pétrolière poursuit son implantation, initiée dans les années 80. Avec son cortège d'hélicoptères.
Il y a deux ans, quand je suis arrivée, on ne les entendait pas. Depuis cinq mois, c'est quatre fois par semaine. Les singes courent effrayés, certains se prennent dans les bras", raconte à l'AFP la biologiste espagnole, Sara Alvarez, qui réalise une enquête sur les primates dans cette réserve amazonienne, au nord-est de l'Equateur.
Selon cette chercheuse, l'exploitation des gisements va détruire l'habitat naturel des singes, notamment en raison de la construction de routes. "La réduction de l'espace va en outre les empêcher d'accéder à certains fruits", explique-t-elle.
A une cinquantaine de kilomètres du gisement de Tiputini, Sara Alvarez étudie le comportement des primates dans un centre de recherches installé depuis 1995 par l'Université privée San Francisco de Quito.
Sa directrice, la scientifique américaine Kelly Swing, soutient que le stress occasionné par l'exploitation pétrolière aboutit à une baisse de la reproduction chez les animaux, un phénomène entraînant à son tour de multiples conséquences.
Un dixième des espèces de la planète
"Le cas des singes est sensible car (si leur nombre diminuait) nous aurions moins de disperseurs de graines, ce qui aboutirait à une perte de plusieurs espèces d'arbres", explique-t-elle.
Selon le centre de recherches, la réserve de Yasuni, qui a servi de refuge pour les animaux durant l'ère glaciaire, recèle actuellement un dixième des espèces de la planète, en raison de sa localisation entre l'Amazonie, les Andes et la ligne équatoriale.
Véritable arche de Noé, Yasuni abrite en effet 696 variétés d'oiseaux, 2.274 d'arbres, 382 de poissons, 169 de mammifères ou encore 121 de reptiles. Sur un seul hectare, on y recense 100.000 espèces d'insectes.
Or de nombreux défenseurs de l'environnement insistent sur le fait que le développement des routes porte atteinte à la faune et la flore, ainsi qu'aux sources d'eau naturelles.
Mémoire vivante des lieux, Mayer Rodriguez, un guide de 69 ans, se souvient des berges de la rivière Tiputini qu'il a connu peuplées de hordes d'animaux, il y a un demi-siècle.
"Il y avait des jaguars, des tapirs et des singes partout. Il en reste encore beaucoup, mais rien de comparable avec autrefois", assure-t-il.
Selon des estimations scientifiques, un kilomètre de route entraîne la déforestation d'une centaine d'hectares. Or un arbre permet d'absorber une tonne de dioxyde de carbone, l'équivalent des gaz émis par 500 voitures en un an.
Les détracteurs de l'industrie pétrolière ont ainsi calculé que l'abandon des gisements de Yasuni permettrait d'éviter l'émission de 407 millions de tonnes de dioxyde de carbone, l'équivalent de ce que produisent par an le Brésil ou la France.
Et même si le pétrole constitue sa principale source de devises, le thème de l'environnement est particulièrement sensible en Equateur, où le géant pétrolier américain Chevron a été condamné à une amende record de 19 milliards de dollars pour une pollution provoquée entre 1964 et 1990 dans la forêt amazonienne par une filiale.
Source:Afp

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire