vendredi 23 novembre 2012

La France face au vieillissement de son parc nucléaire


PARIS (Reuters) - Le vieillissement des centrales nucléaires et les vagues de départs à la retraite chez EDF seront les premiers enjeux de la sûreté nucléaire en France pour les prochaines années, déclare le président de l'Autorité de sûreté nucléaire.
Confronté à un parc nucléaire qui atteint 30 ans d'âge en moyenne, le gendarme du nucléaire devra approuver en 2013 le maintien en activité de plusieurs réacteurs, dont Fessenheim 2, et dira en 2015 s'il accepte le principe de prolonger la durée de vie des centrales au-delà de 40 ans de fonctionnement.
"On arrive à un moment où ces installations ont une trentaine d'années, ou plus, et la question du vieillissement est une question qui est nouvelle", a dit à Reuters le nouveau président de l'ASN, Pierre-Franck Chevet, qui a succédé à André-Claude Lacoste, dont le mandat s'est étalé sur 20 ans.
Pierre-Franck Chevet souligne dans sa première interview depuis sa nomination que le monde entier est confronté comme la France à ce nouvel âge du nucléaire et que les réacteurs français - qui fournissent 75% de l'électricité du pays - étaient à l'origine conçus pour fonctionner 30 ans.
La possibilité de les prolonger est déjà donnée au cas par cas, rappelle ce polytechnicien qui a débuté sa carrière en 1986, "juste après Tchernobyl", auprès de l'ancêtre de l'ASN.
"Peut-on envisager d'aller au-delà de 40 ans ? Là-dessus, il n'y a pas de réponse, pas d'avis favorable, ce n'est nullement acquis. On attend un dossier complet de la part d'EDF (...) qui nous amènera en 2015 à prendre position sur le sujet."
L'électricien français s'est prononcé à plusieurs reprises pour une exploitation de ses réacteurs jusqu'à 60 ans.
FESSENHEIM RALLUMÉ EN 2017 ?
Pierre-Franck Chevet affirme que la position de l'ASN sera également valable pour la centrale de Fessenheim, que François Hollande s'est engagé à fermer Fessenheim avant fin 2016.
Mais le plan de démantèlement de la plus vieille centrale du parc français, obligatoire pour arrêter définitivement une installation nucléaire, n'existe pas encore.
Pierre-Franck Chevet rappelle que cinq ans environ seront nécessaires à la préparation et à l'approbation ce document, sans lequel seule une mise à l'arrêt provisoire peut advenir.
"C'est n'est pas la même chose de garer sa voiture et de la mettre à la casse", compare le président de l'ASN.
"Si le président de la République (...) prend la décision lui-même de dire on ne produit plus, ça c'est possible. Ce qu'on dit simplement c'est qu'entre ça et un arrêt définitif, construit dans la durée, là il y a une autre étape."
Nicolas Sarkozy s'était prononcé contre la fermeture de Fessenheim et pour la construction de deux réacteurs de 3e génération, à Flamanville - en cours - et à Penly.
NOUVELLE GÉNÉRATION CHEZ EDF
L'année prochaine, l'ASN donnera son avis sur le fonctionnement au-delà de 30 ans de six réacteurs, dont Fessenheim 2, et assumera cette décision quels que soient le contexte politique ou les risques de manque d'électricité.
"Quelle que soit la raison, si on considère qu'en terme de sûreté un réacteur ne doit pas fonctionner, on a l'indépendance qu'il faut pour l'arrêter" dit le président de l'ASN.
La production d'électricité risque de ne plus être suffisante à partir de l'hiver 2016, lorsque l'équivalent d'un réacteur manquera à la sécurité d'approvisionnement avant même la fermeture de Fessenheim.
Interrogé sur les travaux que l'ASN a imposé à EDF sur le réacteur n°1 de Fessenheim, Pierre-Franck Chevet rappelle qu'une partie des travaux doit être achevée d'ici fin décembre 2012.
"L'échéance n'est pas l'été prochain, c'est là, en fin d'année (...) Si elle n'est pas respectée on avisera de notre pouvoir de sanction", a-t-il dit.
EDF est en outre confronté à un renouvellement de son personnel qui représente un enjeu très important pour la sûreté des installations, selon l'ASN. Environ 30% de ses effectifs partiront à la retraite d'ici 5 ans, mais cette proportion atteint 50% dans le personnel nucléaire.
"C'est quelque chose d'absolument massif sur lequel il ne faut pas se tromper (...) Il a une génération qui part, qui a participé à la construction, à la mise en service des tranches", dit-il, soulignant que la nouvelle génération arrivera sur des réacteurs déjà en fonctionnement et âgés.
"Donc la question sous-jacente, c'est comment on renouvelle les compétences", souligne le président de l'ASN.
L'impact du facteur humain sur la sûreté nucléaire a été mis en évidence par la catastrophe nucléaire de Fukushima. Elle a également montré l'importance de la coopération à l'échelle mondiale, mais aussi européenne.
Interrogé sur la possibilité de créer un gendarme unique du nucléaire, le président de l'ASN, dont le mandat s'achèvera obligatoirement dans 6 ans, a estimé qu'il était impossible pour l'instant de créer une autorité européenne ou mondiale.
"Il peut exister un jour, peut-être pour mes petits enfants, une autorité internationale unique, où les pays, les Parlements, auront dit 'je m'en réfère à cette autorité là'. Actuellement nous ne sommes pas dans cette situation", a-t-il conclu.

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