vendredi 26 octobre 2012

Aquila:que penser de ce jugement?


Le procès de 7 scientifiques dans le séisme de L'Aquila, le 22 octobre 2012 (Photo Filippo Monteforte/AFP)
Mardi 23 octobre 2012, 17h01
La lourde peine de prison infligée aux sismologues, accusés d'avoir sous-estimé les risques avant le tremblement de terre de L'Aquila en 2009, a suscité une avalanche de critiques et la démission de hauts responsables scientifiques en Italie.
Jugeant que les conditions n'étaient plus réunies "pour travailler avec sérénité", le président de la Commission italienne "grands risques", Luciano Maiani, a démissionné mardi de son poste.
"Il n'est pas possible de fournir à l'Etat des avis sereins, désintéressés et hautement professionnels avec cette folle pression judiciaire et médiatique. Cela ne s'est jamais produit dans aucun autre pays du monde. Cela signifie la mort du service prêté par des professionnels à l'Etat", a-t-il expliqué.
Pour ce physicien de renom - il a été notamment directeur-général du CERN à Genève de 1999 à 2003 - , le verdict constitue une "grave erreur".
Les scientifiques sont condamnés alors qu'"il n'y a eu aucune enquête contre ceux qui ont construit de manière inadaptée dans une zone sismique", s'est-il insurgé.
Dans la foulée, toute la présidence de la Commission, à savoir son vice-président et son président d'honneur, ont également démissionné, ainsi qu'un quatrième membre de cette institution.
L'un des scientifiques condamnés, Mauro Dolce, a par ailleurs démissionné mardi de son poste de directeur du service des risques sismologiques et vulcaniques de la Protection civile italienne.
Le tribunal de L'Aquila a condamné lundi sept membres de la Commission "grands risques", qui siégeaient en 2009, à six ans de prison pour "homicide par imprudence", alourdissant la peine de quatre ans de prison requise par le parquet.
Leurs défenseurs avaient plaidé l'acquittement, arguant notamment du fait que nul ne peut prévoir un tremblement de terre.
"KO debout"
Cette condamnation a semé l'émoi dans la communauté scientifique hors des frontières italiennes.
Plusieurs scientifiques européens, interrogés par l'AFP, se sont dit "choqués", voyant dans ce jugement "un précédent très dangereux".
Un bâtiment détruit par le séisme de l'Aquila en 2009, le 22 octobre 2012 à Onna en Italie (Photo Filippo Monteforte/AFP/Archives)
"Nous sommes profondément préoccupés, ce n'est pas juste la sismologie qui a été jugée, mais toute la science", a estimé Charlotte Krawczyk, présidente du département de sismologie de l'Union européenne des Géosciences (GSU).
Le jugement a "frappé au coeur" le droit des scientifiques à s'exprimer honnêtement et de manière indépendante, a-t-elle précisé au cours d'un entretien téléphonique depuis l'Allemagne.
Pour Mike Bickle, professeur en sciences de la terre à l'Université de Cambridge, "les gens sont KO debout" tandis que son collègue Roger Musson de la revue britannique de géologie (British Geological Survey, BGS) trouve ce jugement "incroyable".
Eux-mêmes, comme d'autres sismologues, considèrent qu'il est rigoureusement impossible de prévoir un tremblement de terre et qu'une simple affirmation scientifique concernant un risque pouvait semer la panique, ou faire perdre à son auteur toute crédibilité si rien ne se produisait.
De son côté, l'influente ONG américaine, Union of Concerned Scientist, a qualifié la sentence d'"absurde" et "dangereuse".
La Commission s'était réunie le 31 mars 2009 afin d'analyser une série de secousses sismiques à L'Aquila survenues les mois précédents et fournir des indications aux autorités locales qui sont les seules à pouvoir prendre d'éventuelles mesures.
A l'issue de cette réunion, elle avait indiqué qu'il n'était pas possible de prédire la survenue éventuelle d'un séisme plus fort, mais avait recommandé de respecter davantage les mesures de prévention antisismiques, en particulier dans la construction des immeubles.
Six jours après la réunion, le 6 avril, un tremblement de terre avait ravagé cette ville d'Italie centrale et fait plus de 300 morts et des dizaines de milliers de sans-abri.


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